Retraites : les gendarmes réunionnais obtiennent gain de cause

En mars 2018, des gendarmes réunionnais avaient créé un collectif chez leur avocat, Me Antoine, pour dénoncer leur “situation discriminante”  

 CONSEIL D’ÉTAT. C’est une décision marquante pour le collectif des gendarmes originaires qui dénonçait une discrimination. Le Conseil d’Etat vient de leur donner raison en  estimant qu’ils avaient droit, lors de leur retraite, aux bénéfices de campagne au titre des services à La Réunion. Ce qui n’était pas le cas jusque-là.

 Il n’est pas fréquent que les gendarmes sortent de leur réserve, ni qu’ils saisissent un avocat pour attaquer leur direction générale. En mars 2018, c’est pourtant ce qu’avait fait un collectif regroupant une quarantaine de gendarmes originaires de La Réunion. Réunis chez leur avocat, Me Alain Antoine, ils avaient saisi le Défenseur des droits en dénonçant “une situation discriminante insupportable”.

 Aujourd’hui, c’est une autre procédure qui vient de leur donner raison. Le Conseil d’Etat a tranché : les gendarmes natifs de La Réunion peuvent garder le bénéfice de leur campagne dans l’île, même s’ils en sont originaires ou s’ils décident de s’y installer au moment de prendre leur retraite. Ce qui n’était pas le cas jusque-là.

 Le Conseil d’Etat vient en effet d’annuler une décision du tribunal administratif de Saint-Denis en estimant que celui-ci avait commis une “errer de droit”. En 2017, la juridiction locale avait rejeté la recours d’un gendarme né à La Réunion et muté dans son île natale en 2003 après une carrière en métropole. Ce gendarme quinquagénaire avait attaqué son titre de pension qui ne prenait pas en compte le bénéfice de campagne prévu par l’un des articles du code des pensions civiles et militaires de retraite, au titre de son affectation à La Réunion entre août 2003 et septembre 2016.

 Le Conseil d’Etat dit que le militaire en question était fondé à contester la décision de la direction générale de la gendarmerie d’amputer une partie de sa retraite. Voilà ce qu’écrit la haute juridiction administrative : “Il résulte des dispositions de l’article R. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite qu’à l’exception des militaires qui reçoivent comme première affectation opérationnelle le territoire dans lequel ils sont installés, les militaires envoyés dans un des territoires qui y est mentionné pour y accomplir des services ont droit aux bénéfices de campagne, peu important qu’ils en soient originaires ou qu’à l’occasion de cette affectation, ils s’y fixent définitivement. Par suite, en relevant, pour apprécier si M. A… avait droit aux bénéfices de campagne prévus à ces dispositions au titre de ses services à La Réunion, qu’il était originaire de La Réunion et qu’il devait être regardé comme s’y étant définitivement installé, le tribunal administratif de La Réunion a commis une erreur de droit”.

 “LE COMBAT EST DÉFINITIVEMENT GAGNÉ”

Pour rappel, la différence de traitement entre gendarmes réunionnais et métropolitain porte sur les annuités qui comptent doubles lors d’un séjour à La Réunion ou en Outre-Mer. En 2011, un décret faisait bénéficier de ces doubles annuités “aux originaires qui accomplissent un passage dans leur territoire d’origine”. Mais, souligne Me Alain Antoine, le ministère de l’Intérieur est “revenu sur cette position en 2014 en posant comme principe qu’un gendarme natif de la Réunion ne pouvait plus bénéficier de cette avantage”.

D’où une situation discriminatoire, selon l’avocat. Car un gendarme métropolitain qui obtient le statut “d’originaire” grâce au CIMM (Centre d’intérêt matériel et moraux) peut effectuer un séjour de onze années à La Réunion. Comme un gendarme réunionnais. Sauf que ces onze années de service comptent double en matière d’annuités. Autrement dit, le gendarme réunionnais devait cotiser deux fois plus.

“Le combat que nous avons mené depuis des mois est donc définitivement gagné puisque le Conseil d’Etat a suivi notre argumentation”, se félicitait hier soir Me Alain Antoine.

Le Jir, vendredi 24 Avril 2020