SAINT-PAUL. Deux ans de prison, dont une partie avec sursis, ont été requis contre l’ex- directrice la Maison d’enfance de la Croix- Rouge, à Saint-Gilles, poursuivie pour avoir détourné 230 000 euros. La quadragénaire reconnaît des malversations de 90 000 euros, et l’explique par une grande détresse et une situation de harcèlement.
Comment une ex- directrice d’établissement appartenant à la Croix-Rouge a pu dans le cadre de ses fonctions escroquer l’association reconnue d’utilité publique et fonctionnant en partie grâce à des bénévoles ? Cette question est restée le fil conducteur du procès de Sabrina Palama poursuivie, hier, pour avoir détourné à son profil près de 230 000 euros en fabriquant des fausses factures à partir de prestations fictives.
Pour l’avocat de la Croix- Rouge, Me Alain Antoine, c’est bien l’appât du gain et le désir de mener un «train de vie luxueux» qui l’a conduite à «un pillage de fonds publics». Pour la cadre dirigeante, diplômée de l’école nationale de la santé publique, qui reconnaît des malversations à hauteur de 90 000 euros entre avril 2011 et décembre 2013, l’explication se trouve dans une «descente aux enfers». Un processus lié à des faits de harcèlement moral et de non-reconnaissance qui lui ont fait «perdre pieds».
L’enquête des gendarmes a débuté après une plainte de la direction de la Croix-Rouge trouvant sa source dans un audit provoqué à la suite du licenciement de Sabrina Palama. Sont alors découvertes des prestations d’un psychologue qui n’ont jamais été effectuées ou encore celles d’associations qui n’existent pas. Les gendarmes pointent de multiples détournements par chèques et par espèces.
Sanglotant à la barre, choisissant ses mots, entrecoupant ses paroles de long silence, l’ex-directrice dit «avoir eu conscience sans être consciente» de malversations. Elle prétend avoir souffert d’un manque de valorisation de ses fonctions, d’un manque de reconnaissance et de refus de formation. Sabrina Palama indique aussi qu’elle a été mise «sous pression» après avoir refusé de verser de l’argent à un syndicaliste ; qu’elle a été victime d’un chantage à l’emploi de son supérieur hiérarchique, mais aussi de harcèlement. Des faits qu’elle a signalés en 2009 à la médecine du travail. «Je me suis engloutie», prononce-t-elle. «Je ne dis pas ça pour dire que ce que j’ai fait n’est pas grave». «Je suis morte de l’intérieur», ajoute Sabrina Palama en précisant que «tout cela m’a détruit complètement. Cela n’excuse rien».
« ON PARLE DE LA CROIX- ROUGE, PAS D’UNE EN- TREPRISE DU CAC 40 »
Des arguments inaudibles pour le conseil de la Croix- Rouge. «On parle d’un cadre dirigeant. On parle de la Croix- Rouge, pas d’une entreprise du Cac 40. Il s’agit d’une association reconnue d’utilité publique dont l’objet est : s’employer à prévenir et apaiser la souffrance humaine». Pour Me Antoine, ce sont les bénévoles qui ont été trompés et des fonds publics qui ont été détournés de la part d’une personne qui possédait une éducation et un libre arbitre. Quant aux enfants de la MECS, «ils ont été sanctionnés deux fois, par la vie et par les conditions d’accueil». «Nous avons affaire à un authentique escroc avec un aplomb déconcertant. Elle a fondu sur la Croix-Rouge ».
Pour la vice-procureure Véronique Maugendre, les faits sont constitués et les juges doivent prendre en compte que les escroqueries ont été effectuées au préjudice d’une association d’utilité publique. D’où des réqui- sitions élevées : deux ans de prison, dont une partie avec sursis, l’obligation d’indemniser la partie civile, l’inter- diction d’exercer une fonc- tion dans une association à caractère social pendant cinq ans, et la confiscation de la maison saisie à titre conservatoire.
En défense, Me Lynda Lee- Mow-Sim s’offusque du portrait dressé par la partie civile : «Ma cliente n’est pas une escroc, pas une profiteuse, pas une voleuse». L’avocate estime que l’ex-directrice doit «se reconstruire» et qu’elle a été maltraitée par la Croix- Rouge. Pour Me Gérard Baudoux, du barreau de Nice, le sentiment de dévalorisation de Sabrina Palama a donné lieu «à des conséquences médicales et psychologiques». «Pas une forme de vengeance mais une forme de compensation » liée à un processus d’enfermement. «Était- elle en pleine possession de ses moyens ? Une expertise aurait pu permettre de le dire».
Autre lacune criante de l’enquête selon le pénaliste : le préjudice n’a pas été déterminé précisément.
Le tribunal rendra sa décision le 25 septembre prochain.
JIR, mercredi 2 septembre 2015