SAINT-PIERRE. Victime d’une surirradiation dans le cadre du traitement d’un mélanome au talon, Bernard Picard a dû être amputé de la jambe droite. Face au silence de l’hôpital de Saint-Pierre dont la responsabilité est pointée du doigt, il a saisi le tribunal administratif.
En mai 2013, l’hôpital de Saint-Pierre justifiait la fermeture de son service de radiothérapie en évoquant en premier lieu un souci d’effectifs. Mais le problème était bien plus grave, comme il l’avait révélé le JIR à l’époque.
Les véritables raisons de cette fermeture qui a duré six mois figuraient dans un rapport de l’ASN, l’Autorité de Sûreté Nucléaire, dans lequel il était fait état de nombreux dysfonctionnement ayant perduré au sein de ce service du Groupe hospitalier Sud Réunion (GHSR) : non respect des procédures, défaillances dans le système de management mais surtout des problèmes de dosage de rayons.
La SFRO, la Société française de radiothérapie oncologique, avait de son côté relevé quatre dossiers de patients qui présentaient des anomalies dans leur prise en charge. Celui de Bernard Picard y figurait. Cet habitant de la Rivière Saint-Louis qui pensait souffrir depuis deux ans d’un durillon au talon droit a appris en mai 2009 qu’il était en fait atteint d’un mélanome évolutif, soit le plus virulent cancer de la peau.
Le traitement réalisé au sein du Groupe hospitalier Sud Réunion n’a pas conduit à une amélioration de son état de santé. Bien au contraire. Il a été finalement amputé de la jambe droite en janvier 2012 à l’issue d’une série d’erreurs, si l’on en croit les conclusions de l’expertise médicale présentée par son avocat, Me Alain Antoine. « La première faute de l’hôpital, c’est d’avoir soigné mon client par radiothérapie« , défend le conseil.
UNE RESPONSABILITE NON CONTESTEE
L’expert médical qui s’est penché sur le dossier s’étonne de ce choix de traitement. « La radiothérapie n’a jamais été considérée comme faisant partie de l’arsenal thérapeutique du mélanome, souligne-t-il.
Son inutilité a été largement démontrée par les études, et là encore la décision prise par le Dr Khelif (le médecin du GHSR ayant suivi M. Picard, ndlr) peut être considérée comme inopportune non étayée par des preuves scientifiques et dangereuses comme l’ont démontré les suites désastreuses« . La seconde faute c’est que cette radiothérapie a été menée à la hussarde !, lance aussi Me Antoine. Il y a eu un surdosage et tous les tissus en périphérie de la zone malade ont été nécrosé, ce qui a conduite à l’amputation de la jambe droite de mon client mais aussi au développement de lésions cancéreuses dans le pancréas ».
L’expert médical se demande aussi pourquoi M. Picard a été amputé à mi-cuisse et non au niveau du pied. Pourquoi le médecin ayant suivi M. Picard a-t-il « pris tout seul la responsabilité du traitement« , sans consulter ses collègues, voire même ses confrères de métropole? Pourquoi également avoir tardé avant de réaliser la seconde opération étant donné l’urgence que représente le traitement d’un mélanome, se demande l’expert qui met donc clairement en cause l’hôpital et son médecin.
Hier, M. Picard e son avocat demandaient ainsi aux magistrats du tribunal administratif de reconnaître la responsabilité de l’hôpital et de faire suite à leur demande d’indemnisation à hauteur de 607 436 euros. « Nous avons d’abord fait une requête préalable à l’hôpital mais ils n’ont même pas eu la décence de nous répondre », déplorait Me Antoine/
Le rapporteur public estime lui-même que la faute de l’hôpital est bien établie. L’établissement ne le conteste pas d’ailleurs. Mais le magistrat a fortement revu à la baisse les demandes faites par Bernard Picard au titre du préjudice subi. Il a évalué à 79 000 euros le montant de l’indemnisation, estimant l’incapacité permanente fonctionnelle de M. Picard à 40% et non 60% comme l’a fixé l’expert. Le tribunal a mis sa décision en délibéré. Me Alain Antoine fait déjà part de son intention de poursuivre l’hôpital de Saint-Pierre au pénal.
Harry Amourani
jir, vendredi 7 juillet 2017